Les réseaux sociaux déforment les jeunes touristes, la preuve.
Une chronique siamoise de Patrick Chesneau :
Sur le site de l’Alliance Française de Bangkok, lors du mois de la francophonie, des bandeaux et des encarts incitant les jeunes Thaïs à partir en France pour des séjours d’immersion linguistique. Pour ces étudiants de français, il s’agit de s’extraire provisoirement du cadre familial pour se frotter à d’autres réalités. Lointaines, exogènes et exotiques. Acquérir des connaissances et de nouvelles compétences tout en s’initiant à un mode de vie si différent du cocon originel.
Excellente initiative de l’Alliance Française en ce qu’elle contrecarre un constat affligeant. Inévitable quand on est coutumier de Facebook et consorts digitaux : le savoir-faire en matière de tourisme artisanal se délite à vue d’œil. La culture de la découverte s’évapore. Pire : Les joies de l’improvisation appartiennent à un passé révolu. Irrémédiablement enfoui.
Il suffit de voir sur la toile mondiale les enfilades de questions posées, plus indigentes les unes que les autres, et le flot ininterrompu de crétineries diverses et avariées pour ne plus en douter. Au mieux, les candidats aux vacances lointaines se surpassent régulièrement dans la naïveté confondante. Des interrogations transformées en robinets à clichés sur fond d’indécision permanente. Que choisir ? Que faire ? Où aller ? Comment ? Quand ? Vaut-il mieux arriver en Thaïlande le matin ou le soir ? Peut-on manger autre chose que du riz ? Que de problèmes existentiels. Je suggère qu’on arrive entre les repas. Tout est à l’aune de ce méli-mélo faussement conceptuel. Faute de méthode et souvent par inculture, l’accessoire prend le pas sur l’essentiel.
Plus les espaces numériques, les moyens électroniques, Google, Facebook, Instagram, Tik Tok et autres plateformes d’échange se développent, plus les internautes dans leur écrasante majorité, incarnent le contraire absolu de la débrouillardise.
Des assistés impénitents en pagaille. Vulgairement, on dirait nounouilles et niaiseux. Des anti-futés pas malins pour un sou. Il est même stupéfiant qu’ils aient eu un jour l’idée de voyager. De sortir de leur pré carré familier. C’est d’ailleurs le seul bon point qu’on peut leur accorder.
C’est au niveau de la réalisation effective et de la mise en pratique que ça pèche grave ! Se mettre en route, chez les impétrants des périples formatés, ne veut pas dire partir à l’aventure. Que nenni. Surtout pas tutoyer l’inconnu. Les notions de risque et de hasard sont bannies de leur glossaire. Itinérants sous cellophane. Tribulations lyophilisées.
Les générations précédentes de crapahuteurs et de découvreurs arpentaient la planète sans aucun recours possible à internet et aux technologies modernes d’information. Tout au plus, s’adjoignaient-ils les conseils et recommandations d’un compagnon imprimé façon Guide du Routard ou Lonely Planet. Pourtant, ces visiteurs du monde ancien savaient découvrir, fouiner, dénicher et explorer. Rencontrer l’autre et les peuples croisés en chemin.
Le souvenir du premier sejour en Thailande sans internet : Les îles du golfe du Siam 90s
Par eux-mêmes. En humains curieux, actifs, entreprenants et volontaristes.
Chacun transbahutait sa Tour de Babel. Pas téméraire mais hardi. Seulement muni de quelques tuyaux pas trop percés et lesté de quelques bonnes combines. Les cartes sur papier froissé recelaient tant de possibilités d’impromptus. Le goût du lendemain incertain.
Aujourd’hui, on constate l’avènement des bourlingueurs déficients. Bourrés de poncifs et d’idées préconçues en dépit de l’ouverture d’esprit inhérente en principe à la mondialisation. En proie à des pulsions erratiques et des foucades récurrentes. Constamment, il réclament, implorent, exigent. Il faut guider, bichonner, dorloter, cornaquer et materner ces foules de voyageurs immatures. Rétifs à tout effort de recherche autonome, ils sont incapables de prendre seuls la moindre initiative.
Nous sommes entrés dans l’ère des accros à la dépendance.